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Dans le cadre de sa minisérie

Péchés mignons des auteurs de fiction

Le Dr Scribe présente

Le Fin renard… et ses malins plaisirs

Saison 1, Épi 1
Texte et dessins
Dominique Alexis
Rédactrice en chef
Micheline Choquet
Premier lecteur
Jean-Pierre Joyal
Webmestre
Louis Desaulniers
Le Fin renard ... et ses malins plaisirs
avec la participation exceptionnelle de Robert McKee,
script-doctor de réputation mondiale
Les gens ont une grande satisfaction à savoir ce que les autres ne savent pas.
Tristan Bernard
Les gens ont une grande satisfaction à savoir ce que les autres ne savent pas. C’est vrai pour tout le monde y compris les auteurs. Surtout les Fins renards.
Naissance d’un Fin renard
Dans un atelier d’écriture, un Renard en herbe nous lit son texte. Il y est question d’un voleur. À la fin, Renard nous révèle que le voleur n’était pas un voleur... mais un raton-laveur!
– Ha ha!
– Tu nous as bien eus !
– Nous n’avons rien vu venir!
Flatté et ravi d’avoir épaté la galerie, Renard se promet de recommencer.
Jeunesse d’un Fin renard
Quel auteur n’a jamais succombé au malin plaisir d’attendre avant d’informer son lecteur, question d’étirer le plaisir? Où est-on? Qui parle? Ah ! se dit l’auteur qui se croit fin renard... ce n’est qu’à la fin du chapitre que je vais le lui dire!
Renard cherche à rendre son récit toujours plus intrigant pour que nous soyons toujours plus intrigués. « Je ne leur dirai pas où l’action se déroule et comme ça, ils seront intrigués. Je ne leur dirai pas duquel des deux ratons on parle et comme ça, ils seront intrigués ». L’information, c’est le pouvoir, tout Fin renard le sait d’instinct, et c’est pourquoi il la retient pour ne nous la livrer qu’au compte-gouttes. Il suit en cela le conseil d’un gourou de la scénarisation bien connu:
On ne conserve pas l’intérêt du public en lui offrant des informations,
mais en lui soustrayant des informations,
à part celles qui sont absolument nécessaires.
Robert Mc Kee
N’ai-je pas l’air d’un Fin renard?
Le hic est que Renard ne sait pas différencier une info nécessaire d’une autre qui ne le serait pas; pour lui, aucune ne l’est jamais. Il en vient à faire du mystère à propos de tout et de rien, au gré de sa fantaisie et de son seul plaisir, convaincu que d’intriguer son L/S (lecteur ou spectateur) est la meilleure façon, sinon la seule, de l’accrocher. Mais ce peut être aussi un moyen de le faire décrocher.
Exemple vécu
Un romancier me fait lire le 1er chapitre de son nouveau roman. Tandis que je lis, il m’observe. Il guette vraisemblablement le moment où je vais « allumer ». Je lis la première page sans parvenir à situer l’action. Où est-on? Mystère. 5 pages plus loin, je termine le chapitre sans être plus avancé.
- As-tu trouvé, me demande-t-il?
Mon sourire contrit lui signifie que non. Je l’ai déçu, c’est clair. Renard reprend son texte que nous relisons ensemble. Il m’indique chaque indice que je n’ai pas su voir. Ne sont-ils pas brillants comme judicieusement placés, me fait-il remarquer? Oui, mille fois oui. Mais ai-je le goût de me creuser le ciboulot pour trouver où se situe l’action de son roman?
Eh bien non.
Chaque fois qu’un Fin renard me refait le coup, me reviennent en tête ces vers de Boileau :
Je me ris d’un auteur qui lent à s’exprimer
De ce qu’il veut d’abord ne sait pas m’informer
Et qui débrouillant mal une pénible intrigue
D’un divertissement me fait une fatigue
On n’a jamais mieux dit, mais ce n’est guère le temps de le dire à Renard. Car si tant est que je lui dise : « Renard, je t’en supplie, cesse de me compliquer la vie », il entendra plutôt: « Renard, tu es tellement intelligent que même moi, Dr Scribe, j’ai du mal à te suivre! ».
Et ça lui fera plaisir.
Maturité du Fin renard
Vient un temps où faire du mystère pour du mystère lui est devenu si naturel qu’il n’a plus besoin d’y penser. Et tout à son plaisir qu’il suppose le nôtre, Renard ne voit pas le fossé qui se creuse entre nous.
Extrait d’un courriel décaviardé du Dr Scribe
... comme le personnage de Choimhin Ô Dubhghaill revient souvent depuis cent pages, je me dis que je devrais savoir qui c’est, mais que je ne m’en rappelle pas et que c’est donc en raison de ma mémoire défaillante que je ne comprends pas ce que je devrais comprendre. Mon expérience de lecture est alors dévalorisante et je me sens irrité de me sentir si poche.
Lorsqu’au chapitre 43, tu me dis enfin ce qu’il faut que je sache sur Choimhin machin de façon claire et nette, je me surprends à te remercier pour aussitôt me dire : mais pourquoi ne pas me l’avoir dit avant? Ça n’aurait rien changé.
Plutôt que de me permettre, sans effort et presque inconsciemment, de pénétrer dans ton histoire, ce qui me ferait me sentir intelligent pour changer, tu multiplies les obstacles. Mesures-tu bien l’effet que cela fait de ramer plutôt que de plonger dans une histoire, Renard? Est-ce bien l’expérience de lecture que tu cherches à offrir?
P.S. : Plus d’un écrivain est persuadé qu’il a fait penser son lecteur quand il l’a fait suer! - Rivarol
Pensez-vous que cet appel à la clarté ait eu le moindre effet? Aucun auteur n’est plus imperméable à la critique qu’un Fin renard. Que voulez-vous qu’il dise ou fasse si nous ne sommes pas à la hauteur? Il s’est trompé; c’est son erreur. Il ira voir ailleurs. N’a-t-il pas assez perdu de temps?
Un Renard critiqué fait souvent demi-tour.
Hey, Reeenââârd: sit down, the lesson is not finish!
Le Fin renard sur la sellette
Chacune de tes histoires, Renard, est comme un voyage en train. Toi, tu prends place dans le wagon de tête, tandis que nous, tes L/S voyageons dans le wagon de queue en 3ème classe. C’est le même train, mais pas tout à fait le même trip. Et pendant que tu joues au plus fin avec nous, tu sembles oublier le plus important :
First, the story must be understood. The naive is inclined to forget this necessity in his enthusiasm.
The spectator cannot believe in a story, he cannot experience fear or hope, terror or joy,
he cannot feel sympathy or aversion, he cannot moved to relief or anguish
unless he understands the story.
Eugene Vale
Comprends-tu mieux, Renard?
Je ne comprends pas l’anglais.
On ne prend pas toujours plaisir à se casser la tête pour la comprendre, ton histoire, Renard. J’en connais qui se tannent. Tu crois nous faire plaisir, mais souvent, tout le plaisir est pour toi, je t’assure!
Bon, d’accord.
Mais comment vous faire plaisir sans le faire au détriment du mien???????????
C’est justement ça le problème. Toi.
Et si tu t’enlevais du chemin, pour changer? C’est ton histoire que l’on veut suivre, pas toi.
Disparition du Fin renard

Il arrive parfois que Renard ait une illumination.
Un auteur se met à table
Avant, une fausse conception du suspense me faisait faire de la rétention d’informations, certaine que j’étais que cela allait renforcir l’intérêt et la curiosité de mon lecteur. Je distribuais les indices à des moments savamment choisis et je mettais mon lecteur sur la piste de façon à lui montrer quelle auteure de j’étais. Comme si la et la clarté du récit qui consistent à situer sans tarder le lecteur allait l’empêcher de voir de quoi j’étais .
Une fine Renarde repentie
Moralité
La clarté est la politesse de l’homme de lettres
Jules Renard
Les gens ont une grande satisfaction à savoir ce que les autres ne savent pas. C’est vrai pour TOUT LE MONDE, y compris les LECTEURS/SPECTATEURS .
As-tu compris, Renard? Fais-nous plaisir. Ne sois pas chiche. Donne-nous des infos gratis de temps en temps. Ne tiens pas pour acquis que de garder l’information est toujours préférable. Apprends à faire les deux :
Le spectateur est plus malin que les héros du film
parce que le film l’a initié à ses secrets.
Cette supériorité lui procure un sentiment de PLAISIR .
Mais il est moins malin que l’auteur toujours en avance d’un ton,
qui réserve la surprise. 
Billy Wilder
Allez, Ciao!
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sur l’auteur Bonne maman!
Mise à jour le 30 décembre à 10:15